Qu’est-ce qu’un vêtement raconte de nous, de notre vie, de notre passé, de nos rêves, de nos renoncements ? Le vêtement est une part de nous-mêmes. Une protection, un rempart, une mise en valeur, un faux-semblant, une identité. Il change selon nos envies, nos contraintes, l’âge, les saisons… L’habit ne fait pas le moine ? Pas si sûr. Avec le vêtement, je cherche à explorer ce masque que l’on enfile pour se cacher, se révéler, avoir l’air de quelqu’un, en imposer peut-être, séduire, ou encore autre chose. Questionner le vêtement, c’est à la fois questionner l’intime, l’universel et le social.
Choisir sa robe pour aller danser, c’est peut-être rêver du prince charmant... Ces baskets, uniformes des ados, portées en étendard, quel plaisir procurent-elles ? Quels rêves se cachent derrière cette blouse d’infirmière ou cette robe d’avocat ? Comment se sent-on le jour où on la porte pour la première fois ? Et aujourd’hui ? Des années plus tard ? Et cette cravate, nous donne-t-elle de l’aplomb, voire du pouvoir ? Quel espoir se cache derrière ce gilet jaune ? Déjouer sa condition sociale grâce au vêtement ? Jeter les vêtements devenus trop petits quand on prend de l’âge, c’est sans doute jeter un peu de sa jeunesse, de ses rêves ? Donner les vêtements d’un mort, ou les garder...
Un vêtement, une personne, des petits tableaux tels des fenêtres sur nos vies qui créent un récit. De la naissance à la mort. Du souvenir au fantasme. D’une histoire à l’autre se tisse un fil qui interroge le rapport à soi et qui crée la dramaturgie du film. Un moi intime qui vient questionner notre société. Le rapport à l’autre, à sa condition sociale, à la différence, à l’identité, à l’appartenance, au militantisme aussi. Un rapport au temps, les vêtements portent nos rêves et nos douleurs.
Paradoxalement, mes personnages se mette à nu en s’habillant ! Je voulais les mettre en scène et créer une intimité pour qu’ils puissent se raconter avec sincérité et pudeur. Qui suis-je ? Qui voudrais-je être ? Qui je suis parvenue à être ?
S’habiller pour exister, ne pas être vide, ne pas être « rien », comme une jeune fille très lookée m’a lâché. Le vêtement de l’autre sur ce plateau avec son récit nous ramène à nous. Il nous invite à un voyage dans le temps mais aussi à un voyage social et politique. L’élégance ou la faute de goût trahissent plus encore que la langue l’origine sociale. Mais on peut s’ériger contre l’élégance bourgeoise ou en adopter les codes. Par petites touches, se dévoilent les enjeux de cette seconde peau, que nous nous créons. Les vêtements nous racontent. Ils racontent des vies. Les histoires de ces vies, de ces vêtements rattraperont le spectateur dans ses propres émotions.